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15 Décembre 2023
(La "Witch House", maison de Jonathan Corwin, photo massmatt, 11/10/2013, www.flickr.com, wikipedia)
Nous sommes dans la Province de la baie du Massachusetts, en l'an 1692, dans le petit village de Salem, à environ 26 kilomètres au Nord de Boston.
Fondée en 1626 par une société de pêcheurs, au bord de la rivière Naumkeag, Salem doit son nom au premier nom de Jérusalem dans la Bible, Shalom, qui en hébreu signifie "paix". Au fil des ans, la ville s'est divisée en 2 parties : l'une prospère et l'autre agricole, qui étaient régulièrement en conflit au sujet des ressources, de la religion et de la politique. Pour compliquer davantage la situation, certains villageois voulaient être indépendants par rapport à la ville et d'autres non.
Peu avant la célèbre "chasse aux sorcières", l'année 1689 a vu les villageois obtenir le droit de fonder leur propre église et choisir comme pasteur l'ancien commerçant Samuel Parris, devenu révérend. Arrivée avec sa femme, sa fille et sa nièce, accompagnées de son esclave/servante Tituba, originaire de l'île de la Barbade, Sameul Parris s'est rapidement attiré l'hostilité d'une partie des habitants, à cause de ses exigences matérielles (il voulait devenir propriétaire du presbytère qu'il occipait) et de ses méthodes jugées austères. Les tensions étaient telles que certains habitants se sont juré de chasser le révérend de la ville et ont cessé de contribuer à son salaire à partir d'octobre 1691.
Pendant ce temps, la fille et la nièce du pasteur, s'abreuvaient des histoires de vaudou racontées par Tituba, qui décrivait les légendes avec de nombreux détails qui ont vite captivé l'attention des jeunes filles. Betty Parris, alors âgée de 9 ans, et Abigail Williams (la nièce du pasteur) âgée de 12 ans, ainsi qu'Ann Putnam, une amie à elles, ont commencé à manifester des signes "étranges" tels que des malaises, des convulsions, des hurlements à la Lune, un regard fixe, des "postures indécentes" (pour cette époque puritaine) ou encore parler une langue inconnue.
Choquant une partie du village, ces comportements ont conduit à faire examiner les filles par les médecins, qui n'arrivaient pas à identifier l'origine du problème, et l'un d'entre eux a conclu à une possession satanique. Effrayés par cette éventualité, les habitants ont vite commencé à chercher des coupables et les notables (dont le pasteur) ont brutalisé les filles pour qu'elles nomment ceux qui les avaient maudites.
Inconscientes du vent de panique provoqué par leur attitude, les filles ont très vite dénoncé Tituba comme étant à l'origine de leur comportement, ainsi que Sarah Good, une mendiante du village et Sarah Osburn, une femme sénile. Faisant du porte à porte, les enquêteurs ont reçu d'autres témoignages de villageois, en accusant d'autres de sorcellerie ce qui a conduit à leur arrestation, et seuls ceux qui dénonçaient d'autres suspects (souvent sous la torture) et plaidaient coupable évitaient la peine capitale, ce qui explique le nombre élevé de noms donnés. Entre février 1692 et mai 1693, dans ce climat de dellation, de peur et de suspicion permanente, environ 200 personnes ont été accusées de sorcellerie, 60 ont été emprisonnées, dont la femme du gouverneur, et la suspicion a même concerné des chiens et des chats.
Le tribunal local a condamné à mort 20 hommes et femmes en septembre 1692, dont 19 ont été pendus à Gallows Hill; à noter que la plupart des vicitimes d'accusation de sorcellerie habitaient Salem Village (devenu Danvers). Face à l'ampleur de ces événements et à l'hystérie locale, le gouverneur Williams Phips a suspendu le tribunal local et a chargé une cour supérieure d'instruire le dossier et d'étudier les preuves concrètes et non les "preuves spectrales", qui sont rejetées. A partir de janvier 1693, de nombreux prévenus ont été acquittés par cette cour ; sur 56 accusés, 3 ont été condamnés par le tribunal spécial, mais le gouverneur a finalement décidé de les grâcier ainsi que 5 autres personnes attendant leur exécution.
En mai 1693, pour en finir avec cet événement, le gouverneur a grâcié 156 personnes encore emprisonnées pour "sorcellerie", et des années plus tard, la législature a fini par réhabiliter la dignité des condamnés.
Après avoir tant frappé les esprits, cet épisode de l'histoire américaine a été étudié de plus près environ 300 ans plus tard par une psychologue new-yorkaise du comportement, qui a comparé les symptômes des filles de Salem à ceux de personnes touchées par un parasite infectant les graines de seigle, l'ergot. Ce dernier ne se développe que lorsqu'il fait chaud et pluvieux, ce qui était précisement le cas durant l'été qui a précédé les faits troublants de Salem. Le spore, absorbé par le système digestif humain, provoque des spasmes musculaires et des hallucinations, ce qui expliquerait le comportement des filles.
Depuis la survenue de ces tragiques événements, la ville de Salem a su tirer profit de ce passé pour en faire un attrait touristique lucratif, notamment à la période de Halloween, et la cité met en avant de passé tragique à travers des boutiques esotériques, des visites guidées des lieux où se sont déroulés les événements de 1692, ou des endroits en lien indirect tels que certaines maisons. C'est notamment le cas de la célèbre "Witch House", qui appartenait à Jonathan Corwin, l'un des juges locaux du procès : sa maison n'a jamais abrité une personne accusée de sorcellerie, mais demeure en lien avec l'histoire locale.
Un mémorial composé de 20 pierres de granite, portant chacune le nom d'une personne exécutée et intégrées dans un muret, est installé le long d'un chemin sur Liberty Street. La visite du Salem Witch Museum permet de mieux comprendre ce qui s'est produit durant le procès, ainsi que le Witch Dungeon Museum.
Pendant la période de Halloween, la fête dure 1 mois et voit la ville accueillir des défilés costumés, des diffusions de films d'horreur, des feux d'artifices, des chasses aux fantômes, et de nombreuses activités pour se faire peur.