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Les États-Unis d'Amérique

Venez découvrir l'Histoire des États-Unis d'Amérique: géographie, villes, économie, culture, gastronomie...

Les Acadiens/Cadiens

Les Acadiens/Cadiens
(Photo Hypersite, wikipedia)

(Photo Hypersite, wikipedia)

Groupe ethnique d'origine française principalement installé en Louisiane, les Acadiens (ou Cajuns en anglais) ont une identité culturelle à part aux États-Unis et prononcent même leur propre nom en Cadien. 

Une histoire mouvementée

Après plusieurs explorations des côtes Est de l'Amérique du Nord par les navigateurs européens œuvrant pour le Royaume de France, dont Giovanni da Verrazano en 1524 qui aurait nommé la région "Arcadie" en l'honneur de la région grecque éponyme. 

Des explorations de ces terres ont eu lieu par Jacques Cartier dès 1534, rencontrant notamment les amérindiens Micmac, qui employaient le mot "algatig", signifiant "lieu de campement" ; cependant, il faudra attendre 1604 pour que le français Pierre Dugua de Mons colonise une partie de ce territoire, accompagné d'environ 80 personnes, dont Samuel de Champlain et Jean de Poutrincourt. S'installant sur l'île Sainte-Croix (aujourd'hui située dans le Maine), la petite colonie a vite été confrontée aux rudesses de l'hiver et 36 colons ont péri du scorbut durant le premier hiver.

L'année suivante, la colonie a été déplacée au Sud de la baie de Fundy, à Port-Royal, dans l'espoir de mieux survivre, malgré la perte de 12 autres colons : cependant, les amérindiens Micmac ont aidé la colonie à survivre. Alors que Champlain a exploré la région jusqu'au Cape Cod (Massachusetts), l'entretien de la colonie coûtait cher et il était impossible d'y empêcher la contrebande, aussi a-t-il été décidé en 1607 d'abandonner le site et de Mons a ramené les colons survivants en France. 

Courant 1610, Poutrincourt a été chargé de revenir développer le territoire et a été nommé gouverneur colonial, s'installant à nouveau à Port-Royal et continuant le commerce des fourrures, qui ne suffisait pas à combler les coûts coloniaux. La proximité des britanniques dans la région a provoqué des tensions conduisant en 1613 l'écossais Samuel Argall à s'emparer de la colonie française et à chasser la majeure partie de la population, sans réussir à développer le territoire. 

(Acadie en 1610-1613, image Dr Wilson, 26/09/2011, wikipedia)

(Acadie en 1610-1613, image Dr Wilson, 26/09/2011, wikipedia)

En 1632, les français ont marqué leur retour en Acadie avec la construction d'un fort au Cap Sable et d'un autre fort à Saint-Jean : ce revirement a été rendu possible par le traité franco-britannique de Saint-Germain-en-Laye, qui a mis fin à la colonisation écossaise. Le souhait de la couronne française était de faire de l'Acadie un rempart entre le Canada et la Nouvelle-Angleterre, et dès juillet 1632 Isaac de Razilly a été nommé gouverneur colonial (jusqu'en 1635) et a pris le commandement de 300 soldats envoyés en Acadie. Toutefois, le système seigneurial instauré sur place, ainsi que la grande liberté de la population et la vaste étendue du territoire ont rendu cette colonie presque ingouvernable et elle a été progressivement délaissée à partir de 1636 jusqu'à 1659. 

Après la mort de Razilly en 1636, le contrôle de la colonie a été l'objet de disputes, que le roi de France n'a su résoudre, et cette situation a provoqué une guerre civile jusqu'en 1654, année au cours de laquelle les britanniques ont repris la région, renommée Nouvelle-Écosse. John Leverett a été gouverneur de 1654 à 1657, suivi par William Crowne et Thomas Temple, jusqu'en 1670.  

Peu avant, en 1667, le traité de Bréda a rendu l'Acadie à la France, sans précision des terres rendues, et le gouverneur britannique Temple a cherché à retarder la prise française de contrôle ; le français Hector d'Andigné de Grandfontaine a été nommé gouverneur et a rejoint l'Acadie avec 30 soldats et 60 colons, en cherchant à restaurer le contrôle sur les 400 acadiens, très libres depuis des décennies, tout en essayant de limiter l'activité des pecheurs de Nouvelle-Angleterre. Jusqu'à la fin du XVIIème siècle, la France s'est désintéressée de l'Acadie, peu souteneu financièrement et manquant de troupes pour sa défense ; en outre, les gouverneurs étaient mal payés et enclins à faire de la contrebande avec les anglais, plus prospères. 

En 1690, Port-Royal et ses 100 soldats sont tombés aux mains du britannique William Phips et ses 700 soldats, en représaille à des tentatives française d'expansion à proximité de la Nouvelle-Angleterre. Rendue aux français peu après, Port-Royal a vu son fort être amélioré et reconstruit en 1702, après que les français aient repris la majeur partie de la colonie en 1692.

De son côté, la colonie du Massachusetts a organisé un blocus maritime de l'Acadie, mais des corsaires français des Antilles ont réussi à le franchir plusieurs fois ; face à cette situation, les colonies britanniques du Connecticut, du Rhode Island, du New Hampshire et du Massachusetts ont rassemblé d'importantes forces et ont pu capturer Port-Royal en 1710, renommée Annapolis Royal. Les près de 1800 acadiens francophones ont fait le choix de rester sur place et de faire allégeance aux britanniques. 

Sous contrôle britannique, l'Acadie n'a pas bénéficié pour autant de plus de fonds ou de forces armées, et l'administration de la colonie n'était pas efficace, tandis que les habitants entretenaient entre eux des liens fraternels faisant craindre aux britanniques une éventuelle représentation parlementaire où ils auraient été dominés. Les Acadiens de Nouvelle-Écosse avaient une identité culturelle forte, marquée par leur isolement d'avec la France, bien qu'ils conservaient certaines coutumes, et leur différences d'avec les britanniques ; par ailleurs, leurs liens étroits avec les Micmacs ont eu un impact sur leur façon d'être et ont donné des difficultés aux britanniques pour contrôler les acadiens.

Finalement, en 1749, le gouverneur britannique Cornwallis a demandé aux acadiens de faire serment d'allégeance à la couronne d'Angleterre, sans conditions, sous peine d'être expulsés, mais cette menace a été sans suite jusqu'en 1753, lorsque Charles Lawrence est devenu gouverneur. Après avoir capturé deux importants forts français dans la région en juin 1755, Lawrence a profité de la présence de la flotte et des troupes britanniques pour commencer à déporter près de 8000 habitants (sur près de 14 100 alors installés en Acadie) vers les Treize colonies, jusqu'en 1763. 

(Acadie en 1754, image Mikmaq, 17/07/2021, wikipedia)

(Acadie en 1754, image Mikmaq, 17/07/2021, wikipedia)

Des milliers d'acadiens ont pu s'enfuir vers Québec, encore alors possession française, tandis que les britanniques ont appliqué une politique de la terre brûlée en Acadie, détruisant maisons, récoltes et digues, tout en confisquant les biens des anciens habitants, voire en séparant définitivement certaines familles. Les déportés, embarqués de force à bord de navires loués à une compagnie de Nouvelle-Angleterre, ont été notamment envoyés dans les colonies britanniques voyant près de 5000 acadiens mourir de maladie ou de faim à bord des bateaux, atteignant jusqu'à 53% de mortalité sur certains voyages. 

La colonie du Massachusetts a reçu 2000 expulsés, la Virginie 1100, le Maryland 1000, le Connecticut 700, la Pennsylvanie 500, la Caroline du Nord 500, la Caroline du Sud 500, la Géorgie 400, et le New York 250, tandis que le Royaume-Uni en accueillait 866 et la France 3500. Le Connecticut s'est montré plutoît accueillant, tandis que les Carolines ont reçu les acadiens qui avaient le plus résisté aux britanniques et les ont fait travailler dans les plantations, et le Massachusetts a contraint de nombreux acadiens au travail forcé. 

Ignorant leur arrivée, les habitants des colonies britanniques étaient hostile à leur venue et ont tout fait pour les expulser à nouveau, sauf à Baltimore où ils ont pu fonder le quartier de French Town. Une partie des acadiens a réussi à rejoindre la Louisiane espagnole à partir de 1765, cédée à la couronne espagnole en 1763 par le royaume de France : désireuse de faire croître sa population catholique, l'Espagne a accueilli à bras ouverts les acadiens. A La Nouvelle-Orléans, Ansèlme Blanchard a été nommé commissaire aux acadiens pour leur permettre de s'établir le plus sereinement possible en Louisiane, leur donnant pleine liberté pour choisir leurs terres et bâtir leurs maisons. 

La nouvelle de cet accueil chaleureux a fini par traverser l'Atlantique, et une partie des acadiens réfugiés en France a choisi d'aller rejoindre la Louisiane avec leurs familles, peuplant davantage la région, fondant plusieurs villages le long du Mississippi, notamment dans les Paroisses de Lafourche et d'Assumption. Courant 1785, une flotte de 7 navires est partie de France avec 1596 acadiens à destination de la Louisiane, voyant ces futurs habitants s'installer principalement au bord du bayou Lafourche.

L'importante présence acadienne en Louisiane s'est traduite par la naissance de la région de l'Acadiane, qui abrite aujourd'hui encore une nombreuse population francophone, installée principalement dans 22 des 64 Paroisses de l'État de Louisiane. 

Les cadiens de Louisiane se sont installés le long des cours d'eau dans des lieux qualifiés de "rangs" et en plaine dans des hameaux ; ils vivaient de l'élevage bovin et de l'agriculture.

(Paroisses de l'Acadiane, image wikipedia)

(Paroisses de l'Acadiane, image wikipedia)

L'héritage menacé

Durant la guerre de Sécession (1861-1865), l'Acadiane a vu ses fermes et ses quelques infrastructures détruites, provoquant après-guerre une crise économique, "aggravée" par l'abolition de l'esclavage qui a libéré des milliers d'esclaves, désormais errants. 

Victorieuse, l'Union majoritairement anglophone a profité de la détresse économique de la Louisiane pour accélérer l'assimilation des Cadiens, réduisant la culture et la langue cadiennes à de la dérision face à la supposée réussite sociale des anglo-américains. Les quelques cadiens qui ont pu envoyer leurs enfants à l'université ont choisi des établissements anglophones ; habitués à se contenter de peu de biens matériels, les cadiens contrastaient avec les autres américains plus prospères, donnant la fausse idée qu'ils étaient paresseux. 

Les cadiens cutlivaient notamment le riz, favorisé par une couche de terre glaise située à environ 1 mètre de profondeur, recourant à de petites digues pour garder l'eau dans les clos, et pêchaient surtout des crevettes dans les bayous de Lafourche et Terrebonne, ainsi que des écrevisses.

Pour forcer les cadiens à s'assimiler, parler français a été interdit par le gouvernement de Louisiane en 1921, et les écoles publiques n'enseignaient qu'en anglais, poussant de nombreux parents à refuser d'y envoyer leurs enfants, optant pour des écoles catholiques privées où le français était encore en usage. L'acharnement des autorités contre la langue française a vu le nombre d'enseignants parlant français diminuer, tandis que les anglophones gagnaient en nombre, punissant les enfants qui parlaient français à l'école.

Craignant pour l'avenir de leurs enfants, de nombreux parents cadiens ont préféré leur apprendre l'anglais, pour leur permettre d'avoir une meilleure place dans la société anglophone plus tard, faisant encore baisser le nombre de locuteurs de français louisianais, à mesure que la population vieillissait.  

Après la Seconde Guerre mondiale, face au déclin continu des anciennes générations parlant français, le risque de voir cet héritage disparaître totalement a été mis en évidence, mais ce n'est pas avant 1968 que parler français a de nouveau été autorisé par les autorités de Louisiane. C'est l'action de l'ancien député Démocrate James Domengeaux, franco-américain, qui a permis d'obtenir la création du Conseil pour le Développement du Français en Louisiane (CODOFIL), afin de le redévelopper, de favoriser son utilisation et sa préservation, tout en faisant du français une "attraction" économique et touristique pour la Louisiane. Le siège du CODOFIL est à Lafayette.

Malgré cet effort, la pratique du français louisianais a continué de décliner, passant de 1 000 000 de locuteurs (dont des créoles louisianais, des créoles guadeloupéens ou martiniquais, et certaines tribus) en 1970 à 150 000 seulement en 2015. 

Exemples de français louisianais

Français louisianais Français 
un char une voiture
mon bon mon petit-ami
ma belle/ma blonde ma petite amie
un(e) piastre un Dollar
la coûtance le prix
les commodes les toilettes
une jardinage un légume
une ratatouille une dispute maritale
un besson un jumeau
zirable écœurant
l'oppression l'asthme
une berceuse un fauteuil à bascule
une barbue un poisson-chat
un grand-char un train
ayou
une bétaille un animal
un chaoui un raton laveur
une chevrette une crevette
asteur maintenant

Expressions louisianaises

  • "Laissez le bon temps rouler" : apprécier le moment présent 
  • "Lâche pas la patate" : ne renonce pas 
  • "Comment ça plume ? " : comment allez-vous ?
  • "Etre après" : être en train de 
  • "Tirer un vache" : traire une vache 
  • "Partir un char" : démarrer une voiture 
  • "Les cochons engraissent pas sur l'eau claire" : les enfants se salissent 

La cuisine cadienne/cajun 

Mêlant des influences françaises, acadiennes, espagnoles, anglo-américaines, allemandes, caribéennes, amérindiennes, la cuisine cadienne a une identité forte et des saveurs uniques. Le célèbre Tabasco a été inventé en Louisiane en 1868, assez relevée avec son mélange de piments rouges fermentés, de vinaigre et de sel. 

L'héritage français lui a donné la marinade, l'ajout d'épices et la cuisson lente, tandis que les piments sont issus des caribéens et la tomate des espagnols ; le gombo, soupe d'origine africaine, est issu de la période esclavagiste et a perduré. Dans les recettes cadiennes on trouve souvent des épices, du piment, de l'oignon, de l'ail, du poivron, du célerie, des fruits de mer, du poisson, des huîtres, du boudin, des écrevisses, du riz, du sassafras, du poulet, du bœuf, du porc, du lapin, et même de l'alligator !

Le jambalaya est une sorte de paëlla espagnole à base de riz, de viandes (poulet ou bœuf), de saucisses, de gambas, ou d'huîtres, au choix, le tout accompagné de poivrons, d'oignons, de céleri, parfois de tomates et d'épices telles que l'ail, le paprika, le poivre, le cumin, le thym, l'origan, le piment, etc. 

(Jambalaya, photo www.casafabio.com)

(Jambalaya, photo www.casafabio.com)

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